L’accompagnement au changement à l’ère de l’intelligence artificielle

Innovations managériales

Par Diane Toko

 

Depuis quelques années, la société actuelle tend vers un nouveau paradigme : celui du numérique, qui a fait naitre de nouvelles manières de travailler (co-working, télétravail, ...). Cette mutation sociétale va encore plus loin avec l’essor de l’intelligence artificielle, par le biais duquel de nouveaux métiers ont émergé (data scientist, ingénieur en programmation linguistique, …), de nouvelles manières d’interagir se sont également développées (Chatbot, RSE..). Dans ce même élan, l’intelligence artificielle pousse à revoir certains processus métiers. Quelle forme prend la conduite du changement dans ce nouveau paradigme sociétal ? Comment l’intelligence artificielle oblige-t-elle à repenser la conduite du changement ?

 

Vous avez dit « intelligence artificielle » ?

 

Le scientifique américain Marvin Lee MINSKY, l’un des pionniers de l’intelligence artificielle, la définit comme « la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisantes par des êtres humains car elles demandent des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critiqué.1».

Indépendamment de notre volonté, l’intelligence artificielle bouleverse déjà nos vies. Elle fait désormais partie intégrante de notre quotidien: les moteurs de recherche tels que Google, les réseaux sociaux comme Facebook, les assistants de navigation (GPS) pour ne citer que ceux-là, sont tous dotés d’intelligence artificielle pour fournir aux utilisateurs une expérience plus optimale. Pour aller encore plus loin, ce qui semblait utopique il y a quelques années en arrière ne l’est plus aujourd’hui : qui n’a jamais rêvé d’avoir un assistant personnel à son service ? Cortana (Microsoft), Siri (Apple), assistant google (Android), Alexa (Amazon) sont des solutions proposées par l’IA que nous utilisons occasionnellement ou plus régulièrement. L’intelligence artificielle s’est donc infiltrée, de manière subtile dans notre vie quotidienne.

De la même manière, l’intelligence artificielle est devenue comme un « effet de mode » dans la plupart des entreprises de notre ère. Dans le modèle fordien, la standardisation des tâches et leur exécution répétitives tendait à « robotiser » l’être humain. Aujourd’hui, on assiste à un autre mouvement : ce n’est plus la robotisation de l’intelligence humaine, mais la robotisation d’une intelligence devenue artificielle. Dans cette même mouvance, les outils digitaux en entreprise intègrent de plus en plus l’intelligence artificielle pour optimiser les résultats et les attentes des entreprises en termes d’efficience. La conduite du changement tend elle aussi à se dynamiser et l’intelligence artificielle ouvre de nombreuses perspectives à cette dynamisation.

 

Prendre en compte la conduite du changement dans les projets de l’IA

 

L’avènement de l’intelligence artificielle a amené un vent d’interrogations, de peur et d’inquiétudes. D’après un sondage de l’institut d’études ODOXA, 60% des français ont peur de l’intelligence artificielle2. Et pour cause, elle aurait pour réputation de mettre en danger certains métiers. Pourtant, les pionniers de l’IA soutiennent que l’un de ses avantages majeurs c’est de permettre aux individus de se concentrer vers des tâches à plus forte valeur ajoutée. Dans ce climat de peur et d’idées reçues, il devient plus que nécessaire d’intégrer et de repenser la conduite du changement.

Comme nous le savons déjà, les facteurs de résistance au changement sont nombreux. Ils peuvent être d’ordre organisationnel, structurel, culturel ou tout simplement personnel. Force est de constater qu’avec l’intelligence artificielle, l’enjeu de la conduite du changement devient prégnant car, avec l’essor des outils collaboratifs, la résistance au changement engendre un effet de groupe beaucoup plus important. Si à l’inverse l’IA se déploie dans un cadre favorable, les outils collaboratifs constituent l’un des canaux favorables à l’acceptation du changement à travers l’effet « boule de neige ».

 

L’IA au service de la conduite du changement

 

En général, le processus d’un projet d’accompagnement au changement se décline en 4 étapes clés :

  • Le diagnostic de l’entreprise : phase amont du projet de changement, cette étape permet de comprendre le contexte dans lequel le changement intervient (culture, valeurs, acteurs, …). Elle peut se faire par le biais d’entretiens, de questionnaires destinés à une population bien ciblée. Des documents plus formels, tels qu’un organigramme, peuvent également être exploités.
  • La mise en place de la stratégie du changement : à ce niveau, il s’agit d’identifier les leviers permettant d’atteindre la cible du changement. Brainstorming, ateliers participatifs, pour ne citer que ceux-là, sont quelques méthodes permettant de mener à bien cette phase.
  • Le déploiement du plan d’accompagnement : il s’agit de la mise en œuvre de la stratégie du changement. Selon les projets, la stratégie du changement se décline sous plusieurs formes : mise en place d’un plan de communication, élaboration d’un plan de formation, etc.
  • La pérennisation du changement à travers des outils de reporting.

Que ce soit en phase amont, intermédiaire ou finale, on peut tirer de nombreux atouts à l’intelligence artificielle pour dynamiser la conduite du changement. En phase amont par exemple, l’intelligence artificielle offre aujourd’hui la possibilité d’analyser d’importantes quantités de données et fournit une analyse prédictive directement exploitable de l’ensemble des données récoltées. La notion d’ « analyse prédictive » désigne l’un des usages de l’intelligence artificielle par le biais duquel les technologies de l’IA émettent des hypothèses prédictives à travers l’analyse de données collectées et de statistiques. L’intelligence artificielle pourrait ainsi permettre de mettre en évidence des liens de cause à effet, non visibles à « l’œil nu », ou à travers les outils classiques de diagnostic (diagramme de  Leavitt, diagramme Ishikawa, mind-mapping, ..).  Ces liens de cause à effet deviennent plus visibles à travers des résultats d’algorithmes, de croisement des données effectués par les technologies de l’IA. On peut ainsi émettre des prévisions sur le comportement des personnes impactées par le changement, ou même encore des prévisions sur l’impact que peut avoir l’évolution organisationnelle sur le changement à venir.

En phase de déploiement du plan d’accompagnement, on peut faire appel à l’intelligence artificielle pour dynamiser les parcours de formations. Dans les projets de changement, le pourcentage de participation des collaborateurs aux formations présentielles est souvent faible par rapport à la population ciblée. Les raisons sont souvent liées à l’inadéquation entre la charge de travail et le temps disponible : « je n’ai pas le temps », « j’ai trop de travail », … . Par ailleurs, les projets de changement impactent des utilisateurs bien souvent hétérogènes. Il est donc plus que nécessaire de repenser le plan d’accompagnement de formation (méthode, rythme, ..). On parle de plus en plus aujourd’hui d’ « adaptive learning » (l’intelligence artificielle collecte des informations qui permettent d’adapter le contenu de la formation à chaque catégorie d’utilisateur) ; ou encore de « continuous learning » (apprentissage continuel qui permet de combattre la courbe de l’oubli. Il offre la possibilité de pérenniser les acquis de la formation dans le temps). Ces nouvelles méthodes introduites par l’intelligence artificielle permettent d’apporter une meilleure fluidité à la formation dans les projets de changement.

Par ailleurs, les nouvelles formes d’interaction comme les chatbots, permettent de dynamiser la conduite du changement. Ils permettent notamment de répondre aux contraintes de réactivité face aux questionnements « basiques » des personnes impactées par le changement. A ce niveau, l’effet pervers se matérialise si les informations de sensibilisation et de communication transmises aux outils collaboratifs ne sont pas adaptées à la situation du changement. Il convient donc d’être vigilant et de donner un point d’attention sur les informations que retransmet l’intelligence artificielle. Ainsi, la mise en place de l’IA se pérennise par un accompagnement humain.


1http://tpe-intelligence-artificielle-2013.e-monsite.com/pages/definition-de-l-intelligence-artificielle.html

2. http://www.odoxa.fr/sondage/intelligence-artificielle-linquietude-monte-chez-francais/

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