Les réels coûts d'investissement des outils collaboratifs

Innovations managériales

Par Kévin Bretin

 

Qu’on se le dise, les outils collaboratifs ne cessent de gagner du terrain dans leur adoption au sein du monde de l’entreprise. D’après l’étude1 OCI, 83% des salariés français expriment l’envie et le besoin de collaborer.

Les entreprises, ayant dans leur grande majorité compris l’intérêt de disposer d’outils collaboratifs afin d’accroître la productivité, investissent dans cette niche digitale.

Pourtant, comme tout investissement, cela nécessite un réel coût dépassant la simple sphère financière. En effet, investir dans les outils collaboratifs va au-delà d’une acquisition d’une ou plusieurs solutions logicielles. Si les coûts d'acquisition (licence, maintenance...) peuvent être anticipés, il n'en va pas de même pour l'ensemble des dépenses que l'on pourrait qualifier de plus qualitatives. 

Nous allons donc voir quels coûts entraînent l’adoption de solutions collaboratives pour les entreprises.

 

Les “classiques” coûts d’acquisition de licence

 

La liste des raisons poussant les entreprises à adopter les outils collaboratifs nécessiterait à elle seule un article bien spécifique. Gain de temps, de productivité, partage d’expérience, facilités d’échange, sont autant d'atouts expliquant en grande partie le choix des entreprises de s’équiper d’outils permettant de répondre à ces besoins. Pourquoi ces solutions ne sont-elles pas adoptées rapidement dans ce cas ?

La réponse est à chercher du côté de l’activité primaire de l’entreprise. En effet, l’informatique et, donc, les logiciels sont la plupart du temps des fonctions support au sein des différentes organisations. Or, il s’avère que les économies sont souvent réalisées dans ces différents domaines d’activités. Par conséquent, une entreprise va concentrer le maximum de ses ressources sur son cœur de métier. Les fonctions support et les frais généraux de fonctionnement représentent des dépenses parfois plus difficiles à assumer.

L’outil collaboratif n'en demeure pas moins intéressant, mais son adoption nécessitera un fort investissement financier et, qui plus est, sera compliquée à évaluer en termes de rentabilité. Comment mesurer, par exemple, la rentabilité de Microsoft Teams à court terme ? Au nombre de messages envoyés ? De groupes créés ? L’efficacité ne se résume pas à la quantité et il en devient donc compliqué de mesurer si l’investissement financier était justifié. Du moins à court terme, car sur le long terme la tendance d’un succès ou d’un échec se dessinera d’elle-même.

Si l’on regarde la cartographie des grandes offres du marché, on peut avoir un premier aperçu de la réalité du coût. Prenons un exemple au hasard : Slack facture sa formule2 standard 6,25 euros par utilisateur. Ce tarif resterait abordable pour les petites et moyennes entreprises, qui disposent d’un effectif modeste. Cependant, dès que l’on bascule dans le monde des grandes organisations, on peut facilement imaginer à quel point la facture pourrait se durcir, même si l'entreprise n’équipe pas tous les salariés.  Bien sûr, les éditeurs rusent en proposant des versions gratuites (ou de test), à l’instar de Microsoft Teams, afin de pousser les entreprises à adopter leurs solutions. Mais cela sert plus les petites entreprises ainsi que les développeurs (afin d’adapter l’outil au système d’Information de l’entreprise) qu'une vente directe de l'outil.

L'achat des différentes licences des outils collaboratifs n’est donc pas négligeable, mais il ne représente que la partie immergée de l’iceberg. Les entreprises doivent avoir à l’esprit que d’autres dépenses, tant quantitatives que qualitatives, ne doivent pas être omises dans la réflexion conduisant à l’adoption de ces outils. Cela commence avant tout par une infrastructure matérielle et logicielle relativement performante.

 

Un environnement technologique pas toujours adapté

 

Déployer des outils collaboratifs sur le long terme nécessite d’avoir un parc informatique relativement récent pouvant encaisser de futures mises à jour tant sur le plan fonctionnel que sur le plan sécuritaire. Or, une fois de plus, la réalité économique rattrape ce constat. Les entreprises tentent d’amortir au maximum le parc existant même si l’expérience utilisateur s’en trouve dégradée, étant donné que ce n’est pas le but premier recherché.

Pour illustrer cette affirmation, comparons deux chiffres : en 2018, en France, 48% des ordinateurs professionnels étaient basés sur le système Windows 10... et encore 44% sur Windows 7, système commercialisé en juillet 2009, qui ne sera bientôt plus maintenu à jour par l'éditeur.
Un coût jour/homme à ne pas oublier

Enfin, il ne faut pas oublier la main-d’œuvre déployant les solutions logicielles. Cela représente un coût jour/homme non négligeable. D’autant plus que nous pouvons observer que de plus en plus de directions d’entreprise se présentent sous la bannière de prestataires internes de service. Ce prestataire interne refacturera, en interne, le travail effectué à la direction commanditaire. En conclusion, il est simple d’émettre l’hypothèse selon laquelle certains services vont hésiter davantage à déployer des outils si ces derniers se retrouvent à leur charge financière.

 

Une acculturation parfois compliquée à obtenir

 

La sphère financière ne représente pas l’unique partie prenante du coût final des outils collaboratifs. Des paramètres plus qualitatifs entrent en ligne de compte.

Quelle que soit la taille ou la philosophie de l’entreprise, il semble acté que tout changement est compliqué à mettre en œuvre. Les réfractaires trouveront toujours moult arguments pour l’empêcher ou le ralentir. De plus, les mentalités ne sont pas toujours prêtes à accepter l'innovation. Michel Crozier a décrypté ces mécanismes dans son ouvrage "L’acteur et le Système".

En ce qui concerne les outils collaboratifs, Gaelle Roudaut, dans un article3, estime qu’il faut entre 9 mois et une année pour les implanter au sein de l’entreprise.

Au final il est donc légitime de se demander s’il n’est pas plus compliqué de faire adhérer les salariés aux solutions collaboratives que de payer pour se les procurer.

Une véritable stratégie de conduite du changement est à mettre en place afin d’obtenir une adhésion massive de la part des salariés : un vaste projet réclamant beaucoup de temps, de réflexion et, par conséquent, de nouvelles problématiques pour les entreprises à ne pas négliger.

Soyez en sûr, cet article n’a pas pour objectif de détourner les entreprises dans l’adoption des outils collaboratifs.

Bien au contraire, il s’agit simplement d’avoir les bonnes clés en main pour déployer les bons outils aux bons moments. La vraie question à se poser est de savoir s’il est pertinent de déployer telle ou telle solution. Il faut le faire par réelle utilité plutôt que de suivre une "mode" ou parce ce c'est un succès chez l’entreprise concurrente.

Chaque situation est différente et mérite une réflexion totale. Les investissements de l'entreprise (en jours homme, en licence...) sont plus importants que le simple coût d'acquisition. Il faut garder ce postulat à l’esprit pour éviter d'avoir un investissement caduc car très peu utilisé. Dans le cas contraire, les coûts pourraient être bien plus importants que prévu et vacciner le top management dans l'acquisition de nouvelles solutions innovantes.


1. www.oci.fr/travail-collaboratif-chiffres-2018/

2. www.slack.com/intl/fr-fr/pricing

3. www.unow.fr/blog/le-coin-des-experts/il-faut-9-mois-pour-implanter-des-outils-collaboratifs-en-entreprise/

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